Les seuils définissant les catégories d’entreprises et de groupes sont relevés

Transposition dans le droit français d’une directive européenne qui a récemment relevé les seuils définissant les catégories d’entreprises et de groupe. Il en résultera pour les sociétés un allégement du reporting financier et non financier.

La directive européenne déléguée UE 2023/2775 du 17 octobre 2023 a relevé les seuils définissant les catégories d’entreprises et de groupes établis en 2013 (directive 2013/34 du 26 juin 2013, dite « directive comptable »). Les États membres étaient invités à intégrer ces dispositions dans leur droit au plus tard le 24 décembre 2024. Avec plusieurs mois d’avance sur cette date, la France vient de procéder à cette transposition de manière effective.

Entré en vigueur le 1er mars 2024 sous réserve des précisions ci-après, le décret 2024-152 du 28 février 2024 relève les seuils prévus par plusieurs articles du Code de commerce, auxquels sont attachées des obligations de présentation et de publication des comptes annuels, de désignation d’un commissaire aux comptes et de reporting non financier (notamment l’obligation de préparer des informations de durabilité). Un plus grand nombre de sociétés seront donc désormais exemptées de ces obligations.

Présentation et publication des comptes annuels

Le Code de commerce prévoit des mesures de simplification pour l’établissement et la publication des comptes annuels des commerçants et sociétés commerciales. Il définit à cet effet des catégories de micro, petites et moyennes entreprises (C. com. art. L 123-16, al. 3 et 4 et L 123-16-1, al. 2) et fixe des seuils (C. com. D 123-20), qui portent sur le total du bilan, le chiffre d’affaires net et le nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice. Une société entre dans une catégorie si elle ne dépasse pas deux de ces trois seuils.

Le décret 2024-152 relève les seuils de total de bilan et de chiffres d’affaires net de chacune des catégories d’entreprises.

 

Art. D 123-200 ancien

Art. D 123-200 nouveau

Micro-entreprise (ne dépasse pas deux des trois seuils)

Total du bilan

350 000 €

450 000 €

Chiffre d’affaires net 

700 000 €

900 000 €

Nombre moyen de salariés

10

10

Petite entreprise (ne dépasse pas deux des trois seuils)

Total du bilan

6 M€

7,5 M€

Chiffre d’affaires net 

12 M€

15 M€

Nombre moyen de salariés

50

50

Moyenne entreprise (ne dépasse pas deux des trois seuils)

Total du bilan

20 M€

25 M€

Chiffre d’affaires net 

40 M€

50 M€

Nombre moyen de salariés

250

250

Le relèvement des seuils prévus à l’article D 123-200 augmentera le nombre de sociétés entrant dans la catégorie des micro, petites ou moyennes entreprises, qui pourront donc bénéficier de mesures de simplification. Rappelons que les petites entreprises peuvent adopter une présentation simplifiée de leurs comptes annuels et les moyennes entreprises une présentation simplifiée de leur compte de résultat (C. com. art. L 123-16, al. 1 et 2). Les micro-entreprises sont, quant à elles, dispensées d’établir une annexe (C. com. art. L 123-16-1, al. 1).

Par ailleurs, les micro-entreprises peuvent déclarer que les comptes annuels qu’elles déposent ne seront pas rendus publics ; les petites entreprises peuvent demander que le compte de résultat ne le soit pas et les moyennes entreprises que seule une version simplifiée de leur bilan et de leur annexe soit publiée (C. com. art. L 232-25 et, sur renvoi, art. L 123-16 et L 123-16-1).

Certaines entreprises ne peuvent pas bénéficier de ces mesures d’allégement ; il s’agit notamment des établissements de crédit, des entreprises d’assurances et des sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé (C. com. art. L 123-16-2). Les micro-entreprises dont l’activité consiste à gérer des titres de participation et des valeurs mobilières ne peuvent pas non plus bénéficier de la dispense d’annexe et des mesures de confidentialité de leurs comptes annuels (art. L 123-16-1, al. 1 et L 232-25). Par ailleurs, les petites entreprises appartenant à un groupe ne peuvent pas demander que leur compte de résultat ne soit pas rendu public et les moyennes entreprises que seule une présentation simplifiée de leur bilan et de leur annexe le soit (art. L 232-25). Ces dispositions n’ont pas été modifiées par le décret 2024-152.

À quels exercices les nouveaux seuils s’appliquent-ils ?

Le décret 2024-152 entre en vigueur le 1er mars 2024, mais il prévoit qu’il s’applique aux « comptes et rapports afférents aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024 » (Décret art. 4, al. 2). La France n’a pas fait usage de la possibilité offerte par la directive d’autoriser les entreprises à appliquer ces dispositions aux exercices commençant le 1er janvier 2023.

De leur côté, les articles L 123-16 et L 123-16-1 du Code de commerce prévoient que l’appréciation des seuils des micro, petites et moyennes entreprises s’effectue au titre du dernier exercice clos et sur une base annuelle et que, lorsqu’une entreprise dépasse ou cesse de dépasser deux des trois seuils fixés à l’article D 123-200, cette circonstance n’a d’incidence que si elle se produit pendant deux exercices consécutifs.

Pour les comptes annuels et les rapports de gestion que les sociétés préparent en 2024 sur l’exercice se clôturant le 31 décembre 2023, le décret rehaussant les seuils ne s’applique pas. C’est donc au regard des anciens critères que doivent s’apprécier le total du bilan, le chiffre d’affaires net et le nombre moyen de salariés de la société au titre des deux derniers exercices clos (2022 et 2023).

À la clôture de l’exercice 2024, il faudra en revanche prendre en compte les seuils tels qu’ils ont été modifiés par le décret 2024-152.

Reporting non financier

Le décret 2024-152 (art. 2, III et IV) relève les seuils fixés par les articles D 230-1 et D 230-2 du Code de commerce définissant les catégories d’entreprises et de groupes auxquelles sont attachées les nouvelles obligations de publier des informations de durabilité (articles L 232-6-3, L 233-28-4 et L 22-10-36, I).

Sont concernées, on le rappelle, toutes les grandes entreprises et sociétés mères de grands groupes ainsi que les petites et moyennes entreprises cotées sur un marché réglementé, selon un calendrier d’entrée en application progressive.

Le relèvement des seuils prévus aux articles D 230-1 et D 230-2 aura une incidence également sur les sociétés tenues à diverses obligations de transparence non financière existantes (mentions à faire figurer dans le rapport de gestion ou le rapport sur le gouvernement d’entreprise, obligation d’établir un rapport sur les paiements des sociétés ayant une activité extractive ou forestière, etc.).

 

Art. D 230-1 et D 230-2 anciens

Art. D 230-1 et D 230-2 nouveaux

Micro-entreprise (ne dépasse pas deux des trois seuils)

Total du bilan

350 000 €

450 000 €

Chiffre d’affaires net 

700 000 €

900 000 €

Nombre moyen de salariés

10

10

Petite entreprise (ne dépasse pas deux des trois seuils, hors micro-entreprise)

Total du bilan

6 M€

7,5 M€

Chiffre d’affaires net 

12 M€

15 M€

Nombre moyen de salariés

50

50

Moyenne entreprise (ne dépasse pas deux des trois seuils, hors micro et petite entreprises)

Grande entreprise (dépasse deux des trois seuils)

Total du bilan

20 M€

25 M€

Chiffre d’affaires net 

40 M€

50 M€

Nombre moyen de salariés

250

250

Petit groupe (ne dépasse pas deux des trois seuils)

Total du bilan

7 M€

9 M€

Chiffre d’affaires net 

14 M€

18 M€

Nombre moyen de salariés

50

50

Moyen groupe (ne dépasse pas deux des trois seuils, hors petit groupe)

Grand groupe (dépasse deux des trois seuils, hors petit et moyen groupes)

Total du bilan

24 M€

30 M€

Chiffre d’affaires net 

48 M€

60 M€

Nombre moyen de salariés

250

250

Le relèvement des seuils des articles D 230-1 et D 230-2 du Code de commerce aura pour effet de réduire le nombre de sociétés qui seront tenues de publier des informations de durabilité en application de l’ordonnance 2023-1142 et du décret 2023-1394. Certaines sociétés qui se préparaient à l’établissement de ces informations car elles dépassaient les anciens critères ne sont donc pas tenues de poursuivre leurs efforts.

À noter - Les seuils prévus par l’article R 233-16 n’ont pas été relevés : cet article prévoit toujours que l’exemption peut s’appliquer lorsque l’ensemble constitué par une société et les entreprises qu’elle contrôle ne dépasse pas deux des trois seuils suivants : un total du bilan de 24 millions d’euros, un montant net du chiffre d’affaires de 48 millions d’euros et un nombre moyen de salariés de 250. 

Par ailleurs, le décret 2024-152 modifie les seuils déclenchant l’obligation pour une société étrangère d’établir un rapport relatif à l’impôt sur les bénéfices. Sont concernées les sociétés de pays tiers à l’Union européenne et à l’Espace économique européen, dont le chiffre d’affaires net excède 750 millions d’euros et qui disposent d’une succursale en France dont le chiffre d’affaires net est supérieur, désormais, à 15 millions d’euros, contre 12 millions jusqu’à présent (C. com. art. L 232-6-1 et D 232-8-1).

Seuils de désignation des commissaires aux comptes

Le décret 2024-152 (art. 2, II et VI) relève également les seuils déclenchant l’obligation de se doter d’un commissaire aux comptes dans les sociétés commerciales (C. com. art. D 221-5, al. 2 et D 821-172, al. 2).

Nous récapitulons ces seuils dans le tableau suivant.

 

Anciens seuils

Nouveaux seuils

Société prise individuellement

Total du bilan

4 M€

5 M€

Chiffre d’affaires hors taxe

8 M€

10 M€

Nombre moyen de salariés

50

50

Société tête de « petit groupe »

Total du bilan

4 M€

5 M€

Chiffre d’affaires hors taxe

8 M€

10 M€

Nombre moyen de salariés

50

50

Société contrôlée significative

Total du bilan

2 M€

2,5 M€

Chiffre d’affaires hors taxe

4 M€

5 M€

Nombre moyen de salariés

25

25

Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er mars 2024 (Décret art. 4, al. 1). Comment cela se traduit-il en pratique en 2024 ?

Société sans commissaire aux comptes

À notre avis, une société ayant clôturé ses comptes au 31 décembre 2023 et qui dépasse les anciens seuils mais pas les nouveaux au titre de cet exercice n’a pas, depuis le 1er mars 2024, à nommer un commissaire aux comptes. En effet, depuis cette date, c’est au regard des nouveaux seuils qu’il convient d’apprécier la situation.

Renouvellement d’un mandat de commissaire aux comptes

Prenons le cas d’une société qui clôture ses comptes au 31 décembre et qui est dotée d’un commissaire aux comptes dont le mandat arrive à expiration avec l’assemblée générale d’approbation des comptes clos au 31 décembre 2023 se tenant après le 1er mars 2024. À notre avis, cette société doit renouveler le mandat de son commissaire aux comptes (ou en nommer un nouveau) seulement si ce sont les nouveaux seuils qui ont été dépassés au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2022 ou au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2023 (ou au titre de ces deux exercices). Pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, nous estimons qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte les anciens seuils même si les dates d’appréciation du franchissement des seuils sont antérieures à l’entrée en vigueur du décret.

Sort des mandats en cours

L’article 4, al. 2 du décret prévoit expressément que les mandats de commissaire aux comptes en cours à l’entrée en vigueur du décret se poursuivent jusqu’à leur date d’expiration. Ainsi, une société qui dépassait les anciens seuils mais se trouve en deçà des nouveaux ne peut pas mettre fin prématurément au mandat de son commissaire aux comptes.

 

Décret 2024-152 du 28-2-2024 : JO du 29

© Lefebvre Dalloz

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